Avis d'expert

La transformation data, une chance pour les cabinets et leurs clients

La profession comptable se trouve à l'aube de transformations majeure. La data en fait partie.
Autrefois en grande partie sous-estimée, elle prend désormais une place centrale dans le métier. Les cabinets d'expertise comptable sont en train de devenir des acteurs clés de la révolution data, offrant à leurs clients des avantages considérables.
 
Dans cet avis d'expert, nous explorerons avec François Rolet, data analyst avec 15 années d'expérience en comptabilité et finance, les implications de cette transformation sur la profession et sur les clients, ainsi que les opportunités qu'elle offre pour façonner l'avenir de la comptabilité.
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François Rolet, Data analyst

Comment avez-vous vu évoluer la pratique de la profession sur la data ?

La comptabilité c’est de la donnée ! C’est même selon moi un langage et une base de données, on a des ​comptes de ​résultat, des bilans pour les clients.; Dans mes précédentes expériences, nous traitions beaucoup de comptabilités analytiques et pour cela on faisait énormément de retraitements, de reclassements afin de s’assurer que les données étaient cohérentes, que les factures étaient mises dans le bon compte. Or ces actions nous les faisions sous CSV et Excel. En plus d’atteindre les limites de ces outils (que ce soit en termes de volumétrie, d’accès…) nous ne disposions pas d’assez de temps pour trouver des insights, faire des présentations pertinentes aux clients. C’est pour cela que je pense que le métier doit continuer à évoluer, passer de l’artisanat à l’industrialisation de la gestion des données. Il faut exploiter la comptabilité au service des clients

Pourquoi la data est-elle devenue si cruciale pour les cabinets d'experts comptables ?

Data ça fait penser à automatisation. Quand on parle d’une TPE où on reçoit des factures en désordre, qu’on doit les enregistrer… c’est de la tenue de comptabilité. Mais quand on commence à automatiser, avec des logiciels de reconnaissance de texte par exemple, on parle un peu plus de data car le volume de données se cré​er​ automatiquement. Et là on peut traiter beaucoup plus de volume. Or c’est l’un des enjeux à venir : traiter de plus gros volume efficacement. Dès qu’une comptabilité est bien organisée on a de la donnée et on peut faire des analyses. Mais si ce n’est pas automatisé on a souvent trop de retraitement à faire pour avoir le temps de tirer des conclusions plus pertinentes.

Comment la data transforme-t-elle la manière dont les cabinets interagissent avec leurs clients ?

Les données sont un moyen de présenter les choses : on peut sortir des tableaux pertinents, effectuer des recherches sur des bugs par exemple tel rayon devrait avoir une marge de 80% et il est à 40% alors on va chercher ou est le bug : décompte de stock, vol peu importe. Grace à ses données on peut accompagner le client. On peut alors mettre en places des contrôles pour s’assurer que cela n’arrive plus. L’analyse des données c’est cela, donner des pistes intéressantes au client pour qu’il puisse traiter au mieux son activité opérationnelle

Quels avantages un cabinet peut-il tirer de la transformation data en termes de services proposés à ses clients ?

La donnée doit être au service du conseil client et de sa croissance. En effet, exploiter la donnée pour la donnée ne présente pas d’intérêt. Il faut aller trouver dans l’analyse des données des choses pertinentes pour le conseil client ​: c’est à​ dire ​par exemple, il y a​ trop de stocks sur des denrées périssables… Des milliers de choses à faire dire aux données. Et c’est là où une double compétence Comptabilité / data devient un vrai plus. En effet, je me suis récemment formé sur des thématiques data et les possibilités sont énormes. Avec des dashboard on peut analyser en profondeur et sortir des KPI essentiels pour détecter les problèmes en fonction de l’activité : taux de rotation des stocks, marge… Ces dashboard viennent soutenir le client lorsqu’il analyse son activité : où est ce que je suis rentable ? quels secteurs posent problèmes ? Ce qui est également intéressant avec ces outils c’est que l’être humain n’est pas fait pour analyser des masses de données. Auparavant on faisait des histogrammes, c’était déjà plus parlant qu’un tableau avec des milliers de données. Mais on restait limité par deux voire trois dimensions d’analyses. Or aujourd’hui on peut facilement dépasser ces limites, par exemple avec l’IA, et ainsi dégager de vraies corrélations sur plusieurs dizaines de dimensions. ​ ​Après on rentre dans des logiques de représentation, de story telling : pour exploiter correctement les données : en effet deux graphiques parlant de la même chose peuvent ne pas être lu de la même manière.

Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de la manière dont la data a amélioré les opérations de votre cabinet ou les services offerts ?

Nous faisions déjà beaucoup d’analyses, par exemple des tableaux de marges pour détecter les hausses ou baisses qui pouvaient sembler anormales et pouvoir les justifier. En quelque sorte, nous digérions la donnée et nous la présentions le plus clairement possible pour que le client puisse ​prendre les mesures opérationnelles nécessaires pour corriger le tir.​​ ​Cependant même si nous le faisions fréquemment, nous ne pouvions l’industrialiser car nous les faisions avec les outils Office. C’était donc long et la restitution n’était pas forcément optimale. Néanmoins ces analyses apportent une vraie plus-value pour le client, ce sont donc des sujets que l’on doit approfondir par exemple sur l’automatisation, les capacités d’analyses et de restitution.

Quels sont les défis les plus courants auxquels sont confrontés les cabinets lorsqu'ils entreprennent une transformation data ?

J’en vois au moins 3 : acceptation des clients, formation des équipes et organisation. Acceptation des clients car aujourd’hui l’utilisation des outils d’analyse data n’est pas intuitive pour tout le monde. Certains sont même réticents et des outils​ actuels,​ comme Excel​, ne sont pas encore maîtrisés par tous les collaborateurs​​ ​. Il faut donc arriver à s’adapter au plus grand nombre et proposer des outils les plus ergonomiques possibles. ​​Le point sur la formation des équipes va de pair avec l’acceptation du changement. Cela peut être compliqué car des collaborateurs peuvent être réticents. En effet ils sont comptables et on leur demande de devenir des experts de la data, de l’informatique. Il y a donc un vrai accompagnement à mettre en place pour embarquer ceux qui souhaitent évoluer vers ces thématiques. Cela signifie présenter pourquoi cette transformation est importante, qu’est ce que cela va leur apporter et va permettre, comment on les forme… Se pose alors la question est ce qu’il ne faut pas compléter les profils des cabinets avec des recrutements de profils data et ainsi avoir des spécialistes. ​ ​​ Cela pose donc le 3° défi, est ce qu’il ne faut pas revoir l’organisation des cabinets en séparant les rôles de comptables et d’experts data. Malgré les prochaines évolutions (ndlr facturation électronique notamment) les compétences comptables seront toujours essentielles pour les cabinets, les compétences data viendront en complément, en support.

Comment, dans votre domaine, la data peut-elle renforcer la relation avec les clients ?

Les données doivent venir soutenir le conseil. Et pourquoi pas avec des conseils automatiques, c’est-à-dire des Dashboard mis à disposition par défaut, que les clients peuvent consulter puis solliciter le cabinet lorsque des éléments doivent être éclaircis. Il faut rendre la data visible pour les clients. Cela serait un vrai plus. On pourrait même rentrer dans une logique d’itération pour revoir ensemble les informations selon les besoins du client. Bien sur tous les clients ne s’approprieront ces outils pas de la même manière : certains vont consulter une fois l’an ces rapports, d’autres plusieurs fois par mois. Mais il faut mettre à disposition, identifier les clients qui en tirent profit et surtout ne pas hésiter à présenter ces chiffres, ne pas craindre des chiffres qui peuvent être mauvais ou pas forcément propres. Même si des clients sont mécontents cela ouvre la porte pour des discussions. Et pour les autres c’est un vrai plus d’avoir ces analyses.

Quels conseils donneriez-vous aux cabinets qui commencent leur parcours de transformation data ?

Commencer par bien s’entourer : aujourd’hui les cabinets manquent de capacités data c’est donc difficile de se projeter, de créer des stratégies. Il faut donc commencer par recruter des profils data qui pourront accompagner le cabinet sur ces sujets. Cela permettra de commencer à avancer sur les objectifs et à mettre en place les bons outils pour obtenir les données pertinentes qu’il faut analyser.

Avez-vous des dernières réflexions à partager sur ce sujet ?

On vit des temps très intéressants avec la venue de l’IA. Il faut vraiment la voir comme une aide et non comme une menace. En effet L’IA a cette capacité à voir des choses que l’on ne voit pas. Elle va nous permettre de rajouter des dimensions à l’analyse, des regroupements que l’on ne peut pas visualiser. Il en ressortira des insights que l’on n’aurait pas soupçonné et qui permettront de mieux accompagner les clients. Il y a des choses que l’on ne saura jamais faire si l’IA le sait cela ne peut être qu’un plus !

Merci pour votre lecture ! 

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